Et vous que faites vous ?

... si j'ai tiré à poudre noire, je nettoie tout de suite le(s) canon(s) à l'eau savonneuse, sur place. Je sèche l'ensemble et j'huile à la vaseline officinale ou au Balistol. Si j'ai tiré aux poudres sans fumée, je remets le nettoyage à mon retour chez moi.
Et si rien ne me rappelle d'urgence chez moi, je discute avec les copains. Et pas seulement de technique armurière ou de tir.

Je me suis penché sur la question parce que lorsque j'ai tiré pour la première fois avec un "pistolet de cow boy" dans ma famille de békés antillais, c'était avec une arme d'époque, un de leurs plusieurs 1851.
La poudre noire et les amorces étaient modernes mais les balles avaient vécu. Je veux dire que comme les cousins de notre âge à mon frère et à moi étaient des fainéants, ils retiraient les balles qu'ils retrouvaient après chaque tir. Ils n'étaient là que pour les vacances scolaires, le reste du temps ils étaient pensionnaires en Métropole. Mais leur père était dans l'île en permanence. Et comme il avait le même âge mental que nous, il était prêt aux c...ises les plus farfelues. Pire que nous, en fait. Donc après que j'eus bien insisté il a fini par sortir un moule du tiroir de l'armoire aux armes.et avec les balles récupérées et des morceaux de tuyau de plomb parce qu'il avait fallu changer des conduites d'eau, j'ai coulé des balles. Rien de spécial sinon que le coupe-jet ne coupait plus beaucoup. Mon oncle étant là, nous avons beaucoup tiré. "ça fait dix ans que j'ai plus tiwé au wévolvew comme ça". Ouais, comme ça parce qu'il passait son temps à faire des cartons au Colt 1911 ou au fusil de chasse Remington 1100.
Or de temps en temps, il trempait le canon du 1851 dans un seau d'eau. Ce n'était pas pour le refroidir puisque nous tirions l'un après l'autre, un barillet chacun et le temps d'aller aux résultats l'arme refroidissait. Sur ma demande il m'a expliqué que c'était pour nettoyer le canon. Il passait dedans une baguette de carabine avec une brosse en nylon pour enlever les restes de plomb.
Tous les trois barillets, il démontait le barillet, le remplaçait par l'autre barillet et il mettait le barillet sale dans un autre seau d'eau, moins profond. Pendant que mon frère ou moi tirions, il nettoyait le barillet en train de tremper avec un écouvillon en nylon, le même modèle que ceux que nous avions en TP de chimie pour nettoyer les tubes à essais. Et les barillets, il les séchait au papier filtre. Je me souviens qu'il commençait par souffler dans chaque chambre pour éjecter le maximum d'eau des canaux-lumière des cheminées. Une fois le tir terminé et venu le moment de ranger l'arme, il répétait ce lavage mais le terminait par un séchage et huilait l'arme avec de l'huile de vaseline.
Surpris par l'utilisation d'eau sur des armes je m'en suis ouvert à mon père. Il aimait bien son cousin mais il ne l'estimait pas beaucoup. Et pourtant, là, il lui a donné raison.
Après une carrière d'officier de 1931 à 1946, carrière qu'il a terminée comme ingénieur de l'armement à Satory, mon père a quitté l'armée où il se faisait c...féquer en temps de paix et est devenu ingénieur chimiste. II était déjà chimiste des poudres dans l'armée.
Il m'a donc expliqué que l'eau est le meilleur solvant des imbrûlés de poudre noire qui sont des cendres de salpêtre et de produits soufrés.
Quant à la nocivité de l'eau pour l'acier, c'est sûr qu'il faut bien sécher les armes après une pluie ou un lavage, mais après tout, l'acier n'est pas du sucre ni du sel et les bronzages font une bonne protection contre l'eau pour une courte durée.
Le beau-frère de mon père, qui était directeur de la poudrerie royale de Tit Mellil au Maroc et qui l'est resté après l'indépendance, avait un département poudre noire important pour les fantasias mais aussi parce que beaucoup de Marocains aimaient encore chasser à poudre noire. Dans les années 1970, on trouvait encore dans l'Atlas des chasseurs qui tiraient les chèvres de montagne au 10 à broche, donc à poudre noire. Et lorsque j'ai décidé d'intensifier le tir à poudre noire parce que j'avais acheté une copie du Colt 1851 Confédéré que je ne voulais pas risquer d'abîmer, mon oncle du Maroc m'a fortement déconseillé d'utiliser autre chose que l'eau savonneuse pour nettoyer canon et chambres. Les armuriers vendaient un produit rose destiné au nettoyage des armes P.N. mais il le trouvait dangereux à utiliser parce qu'on ne démonte pas complètement son arme à chaque tir. Et si on laisse de ce produit dans le mécanisme, par mégarde, il peut faire des concrétions avec de la suie de poudre et ça cristallise. Cela fait des genres de croûtes dures qu'il faut enlever avec un outil dur qui risque d'endommager l'arme. Alors, comme mon oncle antillais m'avait soutenu que "c'était comme ça qu'ils faisaient" (les cow boys) j'ai demandé confirmation à mon oncle qui m'a répondu que sans doute et qu'ils n'avaient rien inventé parce qu'on a toujours nettoyé les canons d'armes à poudre noire à l'eau.
D’ailleurs ce que nous appelons une baguette de nettoyage s'appelait autrefois un lavoir pour le différencier de la baguette qui, elle, servait à charger l'arme. Et dans l'armée, il existe un accessoire de nettoyage dans la trousse du fusil, c'est un câble fin de nylon vert armée avec à un bout une espèce de trombone - de dactylo - et à l'autre bout une masselotte filetée. Dans le premier on passe un carré de chiffon réglementaire et on a ainsi la masselotte qui descend dans le canon, sort par la bouche - on fait entrer la masselotte par la culasse - on peut alors tirer sur la masselotte et le carré de chiffon essuie le canon. Mais si on visse dans le filetage de la masselotte la brosse de bronze que d'aucuns appellent par erreur un écouvillon, alors on fait descendre dans le canon incliné vers le bas le "trombone" qui s'appelle un porte-chiffon mais qui ne porte rien à ce moment-là. On récupère le "trombone" et on tire la brosse de bronze de la culasse à la bouche.
Eh bien cet accessoire magique du bidasse en folie se nomme... le lavoir à ficelle ! Survivance de l'époque où le soldat lavait l'âme de son arme tandis que l’aumônier lui lavait l'âme avant qu'il aille verser son sang pour la gloire et surtout les comptes en banques de MM. Schneider et Kupp.

On peut donc admettre que lors de grosse consommation de poudre, il fallait laver les canons et barillets quand on trouvait le temps de le faire.

Sans doute leur fallait-il manger gras, puisque si pour laver les suies ils utilisaient leur jet naturel, il leur fallait aussi sans doute se servir d'une pompe à graisse naturelle et disponible partie elle aussi de leurs corps, si je me fais bien comprendre...
Ça me ferait penser à un truc mais je me souviens pas bien à cause de ce salaud d'Aloïs Alzhei... je sais plus quoi, une histoire de boudin, de maîtresse en maillot de bain ou un truc comme ça.